Démographie
médicale :
pénurie de médecins annoncée
Catherine
Dupilet
22
décembre 2000
Lors
de la conférence de presse du jeudi 14 Décembre 2000, le Conseil
National de l’Ordre des Médecins a rendu publiques ses conclusions
sur l’étude de la démographie médicale, réalisée en collaboration
avec le IRDES
(Centre de Recherche et de Documentation en Economie de la Santé).
Au vu
des résultats de cette étude, l’ordre s’inquiète de l’évolution
de la démographie médicale, qui pourrait se traduire à moyen terme
par un déséquilibre de l’offre de soins.
Cinq tendances
peuvent mettre à mal le dispositif d’offre de soins dans les années
à venir : la stabilisation du nombre de médecins, le vieillissement
de la population médicale, la féminisation du corps médical, les
disparités géographiques, et les déséquilibres entre spécialités.
Le
numerus clausus en vigueur n’est plus adapté
Le
Conseil National de l’Ordre évoque des déséquilibres probables au
niveau quantitatif de l’offre de soins. En effet, il souligne que
le numerus clausus n’a pas tenu compte de la pyramide des âges de
la profession médicale. Ainsi, dans le graphique ci-dessous, on
peut constater que la part des médecins retraités est en constante
augmentation depuis 1979 (elle est passée de 5.7% en 1979 à 13.9%
en 1999), et que l’âge moyen des médecins actifs est supérieur à
45 ans.
Evolution
de la part des médecins retraités et actifs depuis 1979
(source
IRDES, novembre 2000)
L’ordre
souligne ainsi, que sans hausse significative du numerus clausus,
l’offre médicale se verrait fortement réduite puisque d’ici dix
ans les médecins en âge de prendre leur retraite seront très nombreux.
La forte féminisation de la profession aggrave
la situation
Les
femmes représentent d’ores et déjà près de 65% des médecins (généralistes
et spécialistes) de moins de 29 ans et la proportion ne cesse d’augmenter
(voir graphique ci-dessous). Il apparaît que les femmes pratiquent
davantage le travail à temps partiel que les hommes, la médecine
étant un métier qui leur permet de concilier à la fois leur rôle
de mère et celui de femme active. La féminisation pourrait contribuer
à la déstabilisation de l’offre médicale.
Part
des femmes et des hommes dans la population médicale selon différentes
classes d’âge
(
source : IRDES, Novembre 2000)
Cependant,
comme l’a très justement souligné la directrice du IRDES Dominique
Polton, la réduction du temps de travail n’est pas seulement due
à la féminisation du corps médical, elle résulte plus largement
d’un phénomène de société. A l’heure du passage au trente cinq heures,
la durée de travail hebdomadaire a globalement tendance à diminuer.
Cette évolution est d’autant plus marquée qu’elle s’accompagne d’une
diminution de la durée d’activité ; les départs en retraite
sont de plus en plus précoces.
Certaines
spécialités sont plus touchées que d’autres
De
même, il apparaît que les femmes sont davantage attirées par certaines
spécialités. La recherche d’un niveau de qualité de vie rend des
spécialités beaucoup moins attractives que d’autres. C’est le cas
de la réanimation ou l’anesthésie qui imposent un rythme très astreignant
du fait des gardes répétitives et de la pénibilité du travail. De
fait, elles comptent davantage de personnel masculin. De même, si
la gynécologie est une spécialité assez féminine, l’obstétrique
reste essentiellement masculine.
Les disparités régionales s’accentuent
La
tendance à la désertification du monde rural continue, et l’écart
de densité médicale entre les zones rurales et les zones urbaines
se creuse. En effet, si la région PACA compte en moyenne plus de
175 généralistes et 155 spécialistes pour 100 000 habitants, l’Ain
en compte respectivement moins de 144 et 96 pour 100 000 habitants.
L’adéquation entre les besoins et l’offre de soins est compromise
par l’augmentation continue des disparités régionales.
Les
Unions Régionales des Caisses d’Assurance Maladie ont mené une étude
sur la répartition géographique de la population médicale pour le
secteur ambulatoire. D’après leur étude, si les régions du Sud voient
leur densité diminuer, elles conservent davantage de médecins que
les régions du Nord. Tandis que des régions comme le Centre et la
Bourgogne qui comptent déjà peu de médecins verront leur effectif
se réduire davantage. Cette étude confirme que les disparités régionales
sont appelées, pour la médecine libérale tout au moins, à se renforcer.
L’Ordre
des Médecins pointe une autre tendance inquiétante, la désertion
des banlieues urbaines par les médecins ; en effet, malgré
l’instauration des zones franches (décret du 28 décembre 1996),
peu de médecins s’installent dans ces zones réputées difficiles.
L’Ordre attend que le gouvernement réagisse
Au
vu des conclusions de cette étude, l’ordre formule certaines propositions
au gouvernement. Pour pallier le vieillissement du corps médical
et la diminution de son effectif, il recommande une hausse du numerus
clausus d’au moins 4500 étudiants chaque année (il a été fixé à
4100 pour 2001). Il souhaite également que la féminisation de la
profession soit prise en compte, ainsi que ses conséquences sur
l’activité médicale. Enfin, pour une meilleure adéquation entre
l’offre de soins et les besoins de santé, l’Ordre prône l’évaluation
des besoins en médecine générale et dans les différentes spécialités
en tenant compte de l’évolution médicale, et une évaluation géographique
des besoins de santé.
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