Le
contrôle médical souffre d'une organisation inefficace
Hervé
NABARETTE
A
la suite du bilan
sur lutilisation des RMO,
nous continuons à rendre compte des analyses très fournies que la
Cour des Comptes a produites dans son Rapport sur la sécurité sociale
de septembre 1997. Toujours au titre de la "régulation des
dépenses ambulatoires", la Cour sest penchée sur le contrôle
médical et sur le dispositif dexonération du ticket modérateur.
Il apparaît que le service médical du régime général nest
pas en mesure aujourdhui, à cause notamment dune organisation
interne sous-optimale, dexercer la mission dont il est investi
depuis le début des années 1990 : devenir lacteur central
de la maîtrise médicalisée des dépenses de soins reconnues par lassurance
maladie.
Lévolution de lactivité
du service médical :
la faible part des actions dexpertise en santé publique (AESP)
La
part de lactivité consacrée à la gestion du risque (ou "expertise
en santé publique" selon sa terminologie) par le service médical
est inférieure à 20 % et ne progresse pas. A cet égard, les limites
du contrôle des RMO ne permettent pas un développement significatif
des AESP.
Le
service médical reste accaparé par la gestion de nombreuses obligations
réglementaires soumettant à son contrôle les demandes dexonération
du ticket modérateur ou de prise en charge de prestations. Cette
activité traditionnelle de contrôle exhaustif des demandes individuelles
des assurés continue dabsorber près de la moitié de ses moyens.
Or il na guère dimpact, dans la mesure ou les taux de
refus sont le plus souvent inférieurs à 10%.
Un
allégement sensible des contrôles obligatoires centrés sur les demandes
présentées par des assurés devrait être envisagé selon la Cour,
pour permettre lindispensable redéploiement des moyens vers
le contrôle des professionnels et des établissements de santé.
A titre dexemple, la suppression du contrôle obligatoire sur
les demandes dexonérations du ticket modérateur au titre des
30 affections de longue durée allégerait de 30 % le temps consacré
à lexpertise médico-sociale.
Après
examen du dispositif dexonération du ticket modérateur et
constatant la variation suivant les régions de la proportion davis
favorables ainsi que de la durée des exonérations accordées, la
Cour pense quune réflexion simpose pour substituer à
la formule de maladie exonérante celle dexamen ou de traitement
exonérant, déjà retenu pour les médicaments coûteux. Lexonération
serait automatiquement accordée pour la prescription de certains
médicaments ou traitements (interféron, radiothérapie) et serait
conditionnée par le respect de bonnes pratiques médicales. La liste
des médicaments exonérants serait mise à jour par une instance de
régulation.
Ladaptation
des moyens du service médical au contrôle de loffre :
une gestion du corps des praticiens-conseils et des
modalités dinformatisation sous-optimales
Une plus grande participation
du service médical à la gestion des risques suppose une adaptation
de ses moyens. Ses effectifs ont été sensiblement accrus depuis
1991 : on compte aujourdhui 2650 praticiens-conseils. Pourtant
cette augmentation na pas eu dimpact sur le nombre des
avis et actions des services.
Dautre
part, le corps des praticiens-conseils, recrutés en grande partie
avant 1990, demeure très attaché à ses anciennes missions. Dans
certains cas, il se révèle même peu disposé à contrôler lactivité
de confrères. La mutation nécessaire requiert un recrutement assurant
une sélection mieux adaptée (les médecins spécialistes sont par
exemple sous-représentés) ainsi quune meilleure formation
initiale et continue.
Elle
exige aussi, selon la Cour, une gestion plus dynamique et plus exigeante
des promotions et des mutations des praticiens-conseils. En effet,
les rémunérations sont très peu individualisées, et les médecins
chefs et les médecins-conseils régionaux ne sont pas assez souvent
renouvelés au regard des exigences danimation du service et
de nécessaire impartialité.
Linformatisation
du service médical engagée au début des années 1980 sest traduite
par la mise en place récente de loutil MEDICIS, centré sur
la gestion de contrôles dassurés. Mais son utilisation se
traduit par une perte de productivité des services et la démotivation
des praticiens-conseils. Contrairement aux objectifs initiaux, une
véritable liaison opérationnelle entre le service médical et les
caisses nexiste toujours pas. Ainsi, les avis traités sont
encore transmis sur support papier aux CPAM. Cest pourquoi
un allègement sensible de ce programme et le renforcement des aides
informatiques à la gestion de "lexpertise en santé publique"
semblent simposer à brève échéance.
Lorganisation
du service médical du régime général :
une position mal définie de léchelon régional
La
nouvelle priorité fixée au contrôle médical passe également par
une organisation plus dynamique de ses services au sein du régime
général. Léchelon régional
joue un rôle décran hiérarchique entre la CNAMTS et les échelons
locaux dont lutilité nest pas démontrée.
Cette
situation rend nécessaire une évolution de ses missions dans un
sens plus fonctionnel. Outre le renforcement de leur rôle dappui
technique et juridique aux échelons locaux, les échelons régionaux
devraient sorienter vers une spécialisation accrue dans le
contrôle des établissements hospitaliers, appuyée par la création
des agences régionales de lhospitalisation
et des URCAM.
Le
rattachement des services médicaux aux directeurs des caisses est
souvent préconisé pour favoriser une plus grande cohérence dans
la conception et la politique de gestion du risque. Il nest
peut-être pas souhaitable dans la mesure où lefficacité du
contrôle médical repose en partie sur sa réputation auprès des professionnels
de santé et des juridictions compétentes. Lessentiel réside
dans lamélioration de la coopération entre les caisses et
le service médical.
Pour
la Cour, la suppression de lautorité hiérarchique exercée
jusquà présent par les échelons régionaux sur les échelons
locaux conduirait la CNAMTS à sinvestir plus directement dans
lanimation de son réseau en renforçant ses instruments de
suivi et de contrôle. Le rôle central occupé par le directeur de
la caisse vis-à-vis tant du service médical que des directeurs de
caisses depuis les dernières ordonnances, lui donne les moyens de
le faire.
A
lissue de son chapitre sur la régulation des dépenses ambulatoires
la Cour conclut sur la complémentarité des RMO et du contrôle médical
dans la maîtrise médicalisée des dépenses dassurance maladie.
Si la maîtrise médicalisée est largement admise par les professionnels
de santé, parce que conforme à léthique médicale et à la qualité
des soins, les outils ne sont pas encore satisfaisants, tandis que
les contrôles et les sanctions restent insuffisants. La mise en
place des uns et des autres nest pas hors de portée si tous
les acteurs en font une priorité collective.
Réagissez
à cet article
Retrouvez tous
les dossiers en Economie de la Santé.
|