Les
guidelines
en pharmacoéconomie
Comparaisons
institutionnelles
Situations actuelles et perspectives
Florence
Baron
Dominique
ETIENNE
31 mai
2000
Suite (2/4)
Caractéristiques des guidelines : points
communs et divergences
Certaines
guidelines font lobjet de documents très détaillés, qui sont
simplement diffusés ou ont fait lobjet de publications dans
des revues scientifiques reconnues dans le domaine. Les guidelines
en tant que telles sont plus ou moins précises quant à leur contenu :
ainsi les standards requis peuvent être très exigeants sur le type
danalyse à effectuer et les points techniques. Les recommandations
peuvent aussi consister en une définition du " standard
minimum requis " pour obtenir des études de qualité.
Strictes
|
Souples
|
Très peu
dexigence
|
Australie
USA (FDA)
Pays Bas
USA (MCO)
|
Canada,
Danemark,
Grand- Bretagne, Norvège,
Allemagne,
Italie,
USA (LDI, CDC) |
Finlande,
Portugal,
Belgique,
France,
Espagne,
Allemagne,
USA (PhRMA) |
Les critères qui font
lobjet dun consensus des différents guidelines existants
sont les suivants :
- adopter la perspective détude
sociétale ;
- minimiser les sources de biais ;
- actualiser coûts et bénéfices futurs
et mener une analyse de sensibilité ;
- utiliser des méthodologies valides
et reconnues pour la conduite des études ;
- sassurer de la transparence
de la méthode (lien investigateur / sponsor) ;
- lister les données économiques, à
la fois en unités naturelles et monétaires.
Dautres critères
universels de qualité se détachent de la revue de la littérature :
- nécessité de préciser lobjectif
de létude ;
- description et justification de la
méthode ;
- considérations déquité, pour
lallocation des ressources ;
- préférence pour lapproche par
coûts dopportunité ;
- raisonnement par analyse incrémentale ;
- horizon temporel détude assez
long pour couvrir lhistoire de la maladie et de son traitement ;
- préférence pour la communication
et la publication des résultats détudes dans des journaux
avec comités de lecture reconnus en pharmacoéconomie ;
- prudence dans la généralisation des
résultats.
Dune part les
guidelines répondent aux attentes et besoins spécifiques des utilisateurs
des études des pays concernés et, dautre part, de nombreux
points font lobjet de désaccord entre les économistes de santé
même et les guidelines intègrent les influences nationales.
Les différences relevées
donnent lieu aux questions suivantes :
Choix du traitement comparateur
Comment choisir le
traitement comparateur (produit le plus efficace cliniquement, en
situation réelle, celui utilisé en pratique courante, la pratique
minimale ou le traitement le moins cher ? Le seul point commun
est la considération dune alternative de traitement, pharmacologique
ou non.
En termes de mesure des
résultats de santé
Faut-il considérer
des critères finaux (nombre dannées de vie gagnées) ou intermédiaires
(mesures biologiques) ? Pour mesurer la qualité de vie, faut-il
utiliser des échelles génériques et/ou spécifiques à la maladie
étudiée ? Quel indicateur de résultats choisir, en termes defficacité
et dimpact sur la qualité de vie : QALYs (Quality Adjusted
Life Years), HYEs (Healthy Years Equivalents) ?
Sources de données à utiliser
Différentes sources
de données de références sont envisagées selon les pays, et impliquent
toutes des précautions spécifiques. Ainsi, les essais cliniques
offrent des résultats issus de conditions expérimentales, qui ne
correspondant pas à loptique de situation réelle ; les
méta-analyses détudes déjà publiées sont difficiles à exploiter ;
les modélisations peuvent être utilisées si les hypothèses et estimations
sont solides et validées ; les études de cohorte de patients
sont, quant à elles, très lourdes et coûteuses à mettre en uvre
et leur intérêt doit être pesé. Les limites des études fondées sur
les dossiers patients sont de ne fournir que ce que les médecins
ont renseigné.
Coûts et technique de
mesure des coûts
Faut-il inclure les
coûts indirects dans lévaluation et avec quelle technique ?
Lapproche du " capital humain " évalue
les pertes de production par les pertes de salaires liées à la pathologie
et à son traitement, ce qui constitue une technique discutable.
Celle des coûts de friction évalue le surcoût engendré par labsence
dune personne, dun point de vue sociétal. Si on a réussi
à évaluer les coûts intangibles (humains et psychologiques), peut-on
les " additionner " aux coûts directs et indirects ?
La méthode de mesure utilisée, mais encore en développement, est
celle de la " disposition à payer ", fondée
sur ce quun individu est prêt à payer pour lamélioration
de son état de santé.
Tests sur les résultats
Les tests statistiques
à utiliser ne font pas non plus lobjet dun consensus
et lactualisation pose 2 questions : faut-il actualiser
à la fois coûts et bénéfices futurs et employer un seul taux ou
deux taux différents ? De manière générale, les taux recommandés
se situent entre 3 et 6%, (le plus fréquemment 5%) et le plus souvent,
à la fois bénéfices et coûts sont actualisés.
Technique danalyse
La technique danalyse
est la plupart du temps le point le plus détaillé des guidelines.
Les industriels doivent absolument sy conformer lors de la
conception de létude.
Technique recommandée
|
Pays
|
Toutes les techniques
sont acceptées
|
Finlande, Norvège,
Grande Bretagne, France, Belgique
|
CMA (minimisation
des coûts)
|
Australie, Canada,
Italie, Allemagne
|
CEA (analyse
coût-efficacité)
|
USA, Japon
|
CBA (analyse
coût-bénéfice)
|
Portugal
|
CEA ou CUA (analyse
coût-utilité)
|
Autralie, Pays
Bas, Danemark, Espagne, Italie, Allemagne
|
CBA ou CUA
|
Canada
|
Premier
bilan de linstauration de guidelines
LAustralie
est lun des rares pays où limpact des guidelines, instauré
depuis 1993, est mesurable. En 1994, lassociation des industriels
de lAPMA (Australian Pharmaceutical Manufacturers Association)
a réalisé une enquête auprès des industriels pour recueillir leur
opinion sur les guidelines. Un peu plus de la moitié des industriels
(57%) représentant 80% des ventes en Australie ont répondu. Les
grandes tendances sont assez représentatives de leur mécontentement :
outre le fait quils trouvent que les données à fournir sont
de plus en plus coûteuses, ils soulignent le manque dinformation
et de formation disponibles pour les aider à mener à bien leurs
évaluations dans le respect des recommandations. Pour la majorité,
ils estiment ne pas être daccord avec laccueil réservé
à leurs dossiers. Ils soulignent aussi le manque de clarté des avis
rendus sur les dossiers et plaident (à 85%) pour plus de détails
sur les rapports du PBAC (Pharmaceutical Benefits Advisory Committee),
qui ne leur permettent pas actuellement didentifier les déficiences
des dossiers refusés.
A
leur demande, les guidelines ont été revues en 1995. Lessentiel
des changements concernent le choix du traitement comparateur (un
problème souligné par les industriels) et le fait que que lefficacité
clinique doit être prouvée à partir dessais rigoureux. Ceci
suscite encore des critiques : en effet, beaucoup sétonnent
que, à linverse de la tendance des économistes de santé, pour
lesquels lévaluation doit être réalisée dans des conditions
réelles, les recommandations imposent de mettre en uvre des
essais cliniques. De plus, de manière générale, ces modifications
rendent encore plus longue et plus coûteuse la phase de lancement
des produits. Néanmoins, des initiatives de médiation ont été prises :
depuis juillet 1995, les industriels peuvent répondre aux avis rendus
par la section dévaluation du département fédéral, qui examine
les dossiers avant les experts du PBAC, ce qui améliore la qualité
des dossiers finaux. Le fait que ce comité soit désormais indépendant
du gouvernement contribue également à la meilleure acceptation par
les industriels des exigences instituées par ce dernier.
Lévolution
des chiffres australiens de 1991 à 1995 (obligation à partir de
1993 pour les nouveaux produits et les renouvellements) montrent
que les industriels respectent les recommandations, en soumettant
le type danalyse requis, cest-à-dire, coût-efficacité
et/ou coût-utilité. Néanmoins, 28% des dossiers sont qualifiés de
" pseudo CEA ". Les analyses CUA sont peu fréquentes
(2% des dossiers) au regard des CEA (37%) : elles sont effectivement
plus difficiles à mener. On constate que les avis rendus sur les
dossiers concernés sont favorables alors que 29% seulement des études
CEA aboutissent au prix demandé et autant sont refusées. Néanmoins
les conclusions sont difficiles car les motifs des décisions ne
sont pas connus. Au total, 23% des dossiers présentés essuient un
refus, soit près dun quart, ce qui plaide pour une amélioration
des échanges entre industriels et autorités.
La
critique de fond des industriels à lencontre du système instauré
est quil limite de laccès au marché national de certains
médicaments innovants, à cause des contraintes trop lourdes daccès
au marché australien. Aussi la pharmacoéconomie doit-elle évoluer
vers une perspective de raisonnement à plus long terme et de prise
en charge globale de la pathologie (disease management). Les industriels
sont en outre demandeurs dune assistance méthodologique, évolutive
et pratique Ils réclament aux autorités plus de souplesse, pour
raccourcir les délais, et souhaitent que les objectifs essentiels
des politiques de santé soient délimités, grâce notamment au développement
de bases de données épidémiologiques.
Lensemble
des dossiers (12 études) soumis au CCOHTA entre janvier 1995 et
décembre 1996 ont été examinés afin de déterminer si les guidelines
étaient respectés.
Elles
ont toutes été soumises dans le cadre réglementaire : aussi
la majorité dentre elles sont-elles de type rétrospectif,
ce qui permet dobtenir des résultats rapides à moindre coût.
Les guidelines concernant la technique danalyse, les mesures
des résultats de santé ainsi que la perspective de létude,
nont dans lensemble pas été suivies.
La
majorité des études étaient de type CEA (CUA ou CBA recommandées),
analyse choisie probablement pour des raisons financières. Les mesures
defficacité étaient spécifiques à la pathologie alors que
les guidelines prévoyaient des indicateurs génériques de type QALYs.
La perspective adoptée par 10 des 12 études était celle du payeur
(le Ministère de la Santé) au lieu dune perspective sociétale.
Néanmoins, ces études sont de grande qualité. A linverse de
lAustralie, les guidelines canadiens offrent une souplesse
qui permet aux industriels de sadapter en situation de contrainte
de temps et de coût, en satisfaisant le besoin dinformation
des autorités. Aussi le Canada fait-il référence dans les pays qui
essaient depuis de développer leurs propres guidelines (en Grande-Bretagne
ou aux Pays Bas par exemple).
Suite
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31 mai 2000
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