Le
traitement de la maladie d'Alzheimer :
bilan et perspectives
Christine
BOUCHET
1er
septembre 1999
Suite
et fin (3/3)
Les conséquences socio-économiques de l'Alzheimer
Le
coût de la maladie
La
maladie d'Alzheimer, de par sa fréquence et ses conséquences désastreuses
sur la vie des patients et de leur famille, est un vrai problème
de société. C'est en premier lieu l'entourage familial qui supporte
le poids affectif et financier de la maladie. Cependant elle est
également devenu un véritable problème économique, avec 70% des
lits en hôpitaux de long séjour occupés par des patients atteints.
Le
coût de la maladie d'Alzheimer associe les coûts directs médicaux
(hospitalisations, médicaments, consultations) ou non médicaux (aides
sociales, établissements spécialisés) et les coûts indirects plus
difficilement évaluables, issus des conséquences de la pathologie
sur les patients, leur entourage et le système productif. En 1994
le coût de la maladie a été évalué à 1,2 million de francs
par patient, soit 120 000 francs par an et par patient.
Les
conséquences économiques du traitement
L'apparition
des anticholinestérasiques augmente les coûts directs liés à la
maladie d'Alzheimer, en raison du coût du traitement lui-même et
du suivi médical régulier que celui-ci implique. Ce coût est toutefois
relativement modéré, en regard des bénéfices obtenus lorsque le
traitement est efficace : amélioration de la qualité de vie des
patients et de leurs proches, institutionnalisation retardée d'un
an en moyenne.
Peu
d'études pharmacoéconomiques ont été publiées récemment sur le sujet.
Mesurer
l'impact économique dans les activités de la vie quotidienne est
particulièrement difficile, et les résultats objectifs chiffrant
les apports économiques des anticholinestérasiques ne sont pas encore
disponibles. D'après certains auteurs, le fait de retarder l'institutionnalisation
diminue les coûts pour la société et les assurances, mais les reporte
sur la famille et les soignants qui suivent le patient à domicile,
augmentant les coûts indirects de la maladie. Comme aucune amélioration
de la durée de vie n'a été démontrée, il n'est pas évident que le
bilan économique soit finalement positif. Par ailleurs le traitement
n'a aucune efficacité sur les patients présentant une forme évoluée
de la maladie, qui génèrent en fait le plus de dépenses.
En
revanche de nombreux laboratoires pharmaceutiques ont investi de
façon massive dans le développement des anticholinestérasiques.
Ils espèrent donc en retirer un bénéfice important, motivés probablement
par l'ampleur du marché potentiel.
La
mise sur la marché des premiers traitements efficaces dans la maladie
d'Alzheimer a également eu pour conséquence de modifier en profondeur
la perception de la maladie par les professionnels de santé, et
de susciter une prise de conscience collective des conséquences
de la maladie sur la vie des patients et de leurs proches. Des moyens
importants ont été consacrés à la recherche, au diagnostic et à
la prise en charge de la maladie.
Ainsi
en 1996 et 1998, le Parlement européen a pris des résolutions
concernant l'Alzheimer.
Celle-ci est à présent considérée comme un "fléau", et
la Commission Européenne a été chargée de présenter un programme
d'actions intégrant la surveillance épidémiologique de la maladie,
la recherche sur le diagnostic et la thérapeutique et la formation
du personnel médical et paramédical impliqué, des actions de soutien
pour les familles et la création d'associations, et des campagnes
d'information destinées au grand public.
Le
cinquième programme-cadre pour les actions de recherche et de développement
technologique (1998 - 2002) a donc intégré, dans le cadre des thèmes
prioritaires relatifs à la qualité de vie et à la gestion des ressources
vivantes, une action clé concernant le vieillissement de la population
qui fait explicitement référence à la maladie d'Alzheimer.
Des
projets importants de recherche autour de la maladie d'Alzheimer
ont donc pu voir le jour grâce au financement de la Commission européenne,
comme le programme European
Alzheimer Clearing House.
Des
sites spécialisés sur la maladie existent au niveau international
: Alzheimers.com,
Alzheimer
Web, Alzheimer
Society
Au Etats Unis, de nombreux sites proposent des
informations sur la maladie : voir le site du Dr
Koop, le site de Healtheon
ou de Thrive
on line.
En
France, des associations orientent leur action vers la maladie d'Alzheimer
:
-
L'association
France
Alzheimer, association nationale qui
a pour but de sensibiliser l'opinion, de promouvoir la recherche,
et d'aider les malades et leurs familles. Cette association
a de nombreux relais locaux.
-
La
Fondation pour
la Recherche
Médicale agit sur les grands problèmes médicaux, dont la
maladie d'Alzheimer.
-
La
fondation
Claude Pompidou a pour objectif de devenir un véritable
Observatoire de la maladie d'Alzheimer pour en suivre l'évolution,
en particulier dans les domaines de l'évaluation des nouvelles
méthodes de soins, du coût de la prise en charge des victimes
de la maladie et des moyens d'aide à l'entourage.
-
L'Institut
aveyronnais de la mémoire a pour objectif la prévention
et la prise en charge de la mémoire.
L'un
des grands objectifs à atteindre, outre l'aide aux familles, est
la sensibilisation des médecins généralistes.
En
effet, s'ils n'ont pour l'instant pas la possibilité de rédiger
la prescription initiale d'anticholinestérasiques, les généralistes
sont les plus à mêmes de remarquer des modifications du comportement
de leurs patients âgés et de dépister la maladie en utilisant les
tests psychométriques adéquats. Une prise en charge précoce permet
en effet d'optimiser les bénéfices des traitements, de retarder
l'aggravation des symptômes et d'améliorer la qualité de vie des
patients et de leur famille.
La
maladie d'Alzheimer est une pathologie de plus en plus fréquente.
Il y a quelques années sont apparus les premiers traitements spécifiques,
les anticholinestérasiques. Ceux-ci ne sont qu'à visée symptomatique
mais permettent, surtout si le traitement est entrepris tôt, d'améliorer
ou de stabiliser les symptômes, soulageant ainsi le patient et ses
proches. Ils permettent également de retarder le placement en institution.
Cependant le bénéfice économique potentiel pour la société n'a pas
été démontré. Des moyens importants ont été accordés à la recherche
dans le domaine, et des méthodes de diagnostic précoces ainsi que
de nombreux traitements à visée préventive ou curatives sont à l'étude.
Cependant il faudra encore quelques années avant qu'ils ne soient
disponibles.
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