Découvrez Medcost

Plan du site

Contactez-nous

33, rue Raffet
75 016 Paris
Tél : 01 42 15 08 08


Télémédecine, Téléchirurgie, Télédiagnostic :
essai d'identification des responsabilités des acteurs


© Raguet / Phanie

Maitre Nathalie BESLAY
Avocat au barreau de Paris

15 mai 2001

La mise en œuvre d'une relation "médicalisée" à distance, ou télémédecine, recouvre une multitude de réalités. Une typologie plus précise nous permet de distinguer comme une subdivision de la télémédecine, la télé-chirurgie qui permet à un praticien d'opérer un patient à plusieurs centaines, voire plusieurs milliers de kilomètres, par l'intermédiaire d'une solution technologique intégrant des logiciels d'imagerie médicale, des application de robotique, un système de gestion des données.
De la même façon, le maintien à domicile des femmes enceintes dont l'état de grossesse justifierait un hospitalisation est permise grâce à un système de monitoring offrant la possibilité à l'équipe de soins de surveiller l'évolution de la patiente à distance.
Enfin, les applications de télé-diagnostic permettent à des praticiens de partager leur savoir faire et ainsi de relayer leurs compétences respectives par des expertises de pointe.
Les avantages au plan médical ne sont pas négligeables. En revanche la mise en œuvre de ce type d'applications , et notamment l'intervention d'un tiers "opérateur technologique" dans la relation médicale, fait apparaître de nouveaux risques, notamment juridiques, qui doivent être pris en compte en vue de pallier à une dilution des responsabilités.

 Les acteurs en présence

Dans le cadre d'une application de télémédecine, on rencontre généralement :

  • le patient
  • les professionnels de santé à chaque bout de la chaîne
  • les opérateurs techniques (fabricants de matériels, fourniture des applications, transport des données, maintenance te supervision)
  • le promoteur, c'est-à-dire celui qui prend l'initiative et qui finance l'expérimentation, ou entendu au sens de la loi Huriet-Sérusclat, lorsqu'on se trouve dans un contexte de recherche biomédicale. (lire notre article Loi Huriet : premier bilan…)

Les droits du patient sont assez facilement définissables dans le cadre d'une opération de télé-médecine, en revanche les autres acteurs encourent un certain nombre d'obligations déterminantes en fonction de leur nature et du périmètre de leurs responsabilités.

 Le partage des responsabilités

    Les praticiens

Conformément au Code de déontologie médicale (articles 32 et 93, décret 95-1000 du 6 septembre 1995), le médecin doit exercer personnellement sa pratique médicale. La mise en œuvre d'une application de télémédecine ne remet pas en cause ce principe, chaque médecin restant personnellement responsable des actes de soins auxquels il s'est livré.

La jurisprudence confirme ce principe en limitant les cas dans lesquels la responsabilité d'un médecin est susceptible d'être engagée par un autre médecin ou professionnel de santé ayant participé à la prise en charge du patient.

En effet, les tribunaux retiennent la responsabilité d'un établissement de santé en raison du statut de salarié des médecins qui y pratiquent (1ère Civ Cour de Cassation 26 mai 1999). En outre, la responsabilité d'un médecin n'est engagée que dans le cas où le fautif est sous ses ordres et qui plus est, s'il est en mesure de prévenir cet acte. En l'espèce, un médecin a été condamné solidairement avec une infirmière du fait des actes car celui-ci était informé de son incompétence et n'avait pas pris les mesures qui s'imposaient à ce titre (Cour d'Appel de Paris 21 Avril 1982).

Concrètement, dans un cas de télé-diagnostic, le médecin traitant qui fait appel à un confrère distant expert par l'intermédiaire d'un réseau, n'est pas responsable des actes de soins de celui-ci. Le diagnostic formulé par ce confrère expert engage donc uniquement celui qui le donne.
Toutefois, la responsabilité du médecin traitant pourrait être engagée par le patient, s'il était démontré que ce médecin a commis une faute notamment dans le choix de l'expert ou le contenu des informations fournies à l'expert en vue de la formulation de son diagnostic à distance. Si le médecin traitant participe également à la formulation du diagnostic, sa responsabilité pourra être engagée à ce titre.
Les deux praticiens entre eux pourront dans certains cas envisager d'engager une action l'un contre l'autre dans le cadre d'un appel en garantie de sa condamnation à la suite de l'action en justice engagée par le patient, s'ils parviennent à administrer un dossier de défense sur une base de "c'est pas moi, c'est lui !".
A priori, en cas de litige, le départage de responsabilité s'effectuerait sur la base de la conduite d'une expertise judiciaire ou amiable.

   Les opérateurs techniques

Les prestataires techniques susceptibles d'intervenir dans le cadre de la conception et de la mise en œuvre d'un réseau de télémédecine sont nombreux. Citons les fabricants de matériels, les fournisseurs de solution logicielles(par exemple les éditeurs de solution en imagerie médicale), les opérateurs de télécommunications en charge du transport des données, les prestataires de maintenance et de supervision.
Chacun de ces acteurs est responsable du fait des prestations mises à leur charge, responsabilité renforcée par une obligation de conseil particulière en leur qualité de spécialiste du domaine.

Dans le cadre d'un litige qui trouverait son origine dans une défaillance technique, ou même dans une non-conformité du système, la responsabilité du prestataire pourra dés lors être engagée. Généralement, le praticien contre lequel est engagée une action en justice, appelle en garantie le ou les prestataires concernés en démontrant que le dommage subi par le patient trouve son origine dans une défaillance technique et donc relève de la responsabilité du prestataire.

Bien évidemment, une obligation de vérification et de maintien en état de sécurité et de bon fonctionnement des outils matériels et/ou logiciels utilisés pèse sur le médecin. En conséquence, il est impératif de veiller à la rédaction des contrats conclu entre les praticiens ou l'établissement de santé et les prestataires afin d'organiser et de définir les modalités et conditions d'exécution de leur prestations et la nature de leurs engagements.
Au plan de la responsabilité d'abord, il conviendra de veiller à ce que les clauses déterminent de manière adaptée les segments de responsabilité des prestataires, au besoin par la mise en annexe de schémas techniques permettant d'identifier les responsabilités respectives des acteurs.
Au plan de la propriété ensuite, il s'agira de vérifier que l'établissement dispose des droits de propriété en intégralité sur tous les développements spécifiques réalisés et des droits d'utilisation nécessaire à l'exploitation de la solution.
En outre, en matière de maintenance ou de supervision, des délais impératifs d'intervention et de correction devront être définis précisément au contrat, afin d'engager le prestataire concerné à leur respect.
De plus les contrats devront prévoir un certain nombre de garanties à la charge des prestataires permettant de sécuriser juridiquement la fourniture des prestations: garantie de sécurité du système, garantie d'évolution, garantie de performances, notamment.

   Le promoteur

Le promoteur, dans le cadre d'une recherche biomédicale, assume l'indemnisation des conséquences dommageables survenues sur les patients qui se livrent à un essai, même sans faute (Ancien article L 209-7 du Code de la Santé Publique, Nouveau Code à paraître ). Il pourra éventuellement envisager d'engager une action récursoire contre le prestataire technique à l'origine de la défaillance. Le promoteur doit obligatoirement déclarer à son assureur que des opérations s'effectuent à distance, s'il souhaite être couvert. Dans le cas contraire, l'assureur pourrait refuser la prise en charge de l'indemnisation pour défaut de déclaration de l'aggravation des risques.
Hors cas de recherche biomédicale, la responsabilité de l'entité ayant pris l'initiative d'un projet de télémédecine pourra être engagée au titre de manquements à ses obligations de coordination, de vérification et de maîtrise d'œuvre, si cela est le cas.

 Les autres obligations

Trois autres obligations doivent être prises en compte en télémédecine :

  1. La protection des données nominatives : une déclaration ou une demande d'autorisation devra être effectuée devant la CNIL au titre de la collecte, du traitement mais surtout du transfert des données nominatives concernant les patients (image, noms, coordonnées…). Les patients devront être informés de leurs droits d'accès, de rectification, d'opposition et de suppression des données qui les concernent ; ils devront, en outre, formaliser un consentement.
  2. La protection du secret médical : le secret médical continue à s'imposer aux médecins participant au réseau. Les patients doivent avoir préalablement donné leur consentement. Des mesures de sécurité doivent être mises en œuvre (sur le fondement de la protection du secret médical mais également au titre des obligations issus de la loi Informatique, fichiers et libertés), telles que l'utilisation de fire-wall, de solutions de cryptage et de signature électronique.
  3. L'information du patient : au regard de l'obligation particulière qui pèse sur les médecins au titre de l'information du patient, les praticiens devront envisager de fournir aux malades une information complète incluant la présentation du dispositif de télémédecine utilisé. La preuve de cette information pesant sur le médecin lui-même, il convient de prévoir la remise d'une petite notice explicative en vue de préconstituer cette preuve.

La télémédecine œuvre dans le sens d'une amélioration de la qualité et de la sécurité des soins et permet de répondre aux problèmes à venir du paysage sanitaire de démographie médicale, d'accès aux soins et de régulation des dépenses de santé. Parallèlement la société française connaît un mouvement général qui tend à désigner un responsable pour tout événement. Dans ce cadre les médecins sont en première ligne. Il y a fort à parier que les tribunaux seront de plus en plus saisis à ce sujet.

Tout projet de solution médicale innovante, tel que cela est le cas d'une application de télé- médecine, s'oriente dans le sens d'une amélioration de la qualité et de la sécurité des soins. La mise en réseau permet dans ce contexte de dynamiser le partage de la connaissance, de confronter les expertises et de mutualiser les moyens.

Dans ce contexte, l'ivresse de l'innovation ne doit pas faire perdre de vue aux protagonistes l'impérative gestion des risques nouveaux liés notamment à la participation d'un "tiers technologique" dans la relation médecin/patient ou entre les professionnels de santé.


Réagissez à cet article.

Retrouvez tous les autres articles de la rubrique e-Droit.

15 mai 2001

 

Lire aussi

 Professeur Louis Lareng Directeur de l'Institut Européen de Télémédecine : " Nous sommes à une nouvelle croisée des chemins en télémédecine ".

Les 10 derniers articles en Droit

 6 novembre 2002
La réforme sur le traitement des données de santé à caractère personnel

 12 juillet 2002
La circulation des malades en Europe

Sommes-nous propriétaires de notre santé ?

La nouvelle démocratie sanitaire

 8 mars 2002
TVA des médicaments : quel est le juste taux ?

 19 novembre 2001
Quelle réforme pour les traitements de données médicales nominatives ?

Indemnisation de l'aléa thérapeutique, ce que la réforme change

 20 septembre 2001
Les prestataires d’hébergement de données de santé sont-ils plus responsables que les autres ?

 20 septembre 2001
Bioéthique :
la réforme tant attendue

 21 Juin 2001
Affaire du vaccin anti-hépatique B : d'une incertitude scientifique à une certitude juridique

  1

 

 

Copyright © Medcost 2003-Tous droits réservés.

 
Dossiers
Plan du site
 
Références : Doctissimo I Caradisiac I Ados.fr I Momes.net I gnomz.com I fluctuat.net