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Qui est propriétaire du
dossier médical informatisé ?

Maître Nathalie BESLAY

24 avril 2001

Pour les associations de patients, cela va de soi, le dossier médical appartient aux patients, pour les établissements de soins et les professionnels de santé, c'est moins évident, d'où les débats actuels. Mais si l'on aborde la question du point de vue juridique, on s'aperçoit qu'ils ne sont pas les seuls à pouvoir prétendre être propriétaires du fameux dossier.

 Qu'est-ce que le dossier médical ?

Avant de s'interroger sur la propriété du dossier médical, il convient d'en préciser la nature et le contenu. Voire même, pourquoi un dossier médical ?
C'est la loi qui oblige les établissements de soins, publics et privés, à constituer et tenir des dossiers médicaux (loi hospitalière n° 91-748 du 31 juillet 1991). Pour les médecins de ville, le dossier de suivi est d'abord né au sein de la Convention nationale des médecins (arrêté du 25 novembre 1993), puis, pour certains malades, au sein de la loi 94-43 du 18 janvier 1994 relative à la santé publique et à la protection sociale. L'article 45 du Code de déontologie médicale impose au médecin libéral de tenir, pour chaque patient, une fiche d'observation qui contient les informations nécessaires "aux décisions diagnostiques et thérapeutiques".

En tout état de cause, le dossier médical est constitué d'informations administratives et médicales nominatives, dont l'organisation et la structure dépendent des logiciels de gestion lorsqu'ils sont informatisés. Le dossier médical constitue donc une base de données puisqu'il est "un recueil d'œuvres, de données ou d'autres éléments indépendants, disposés de manière systématique ou méthodique, et individuellement accessibles par des moyens électroniques ou par tout autre moyen" (loi du 1er juillet 1998).

La question de la propriété du dossier médical doit donc être envisagée tant du point de vue de la structure du dossier médical, que de son contenu.

 La propriété de la structure du dossier médical

La forme de la base de données, et donc la structure du dossier médical, est protégée par le droit d'auteur si elle est originale quant aux choix, à la disposition, à l'organisation des données, et aux moyens d'y accéder. La question de l'originalité s'appréciant au cas par cas.
La protection par le droit d'auteur s'acquière du seul fait de la création. Ainsi la personne à l'origine de la conception de la structure du dossier médical, sera en principe le titulaire des droits de propriété (représentation, reproduction, exploitation). A moins qu'il n'en ait cédé les droits conformément aux exigences du Code de la propriété intellectuelle aux opérateurs ou aux utilisateurs finaux, dans le cadre de contrat de licence.. C'est-à-dire d'un acte écrit déterminant la nature, l'étendue, la durée et le périmètre géographique des droits cédés.
Lorsque la structure du dossier médical n'est pas originale, elle n'est donc pas susceptible d'appropriation ni de protection juridique, la recherche du propriétaire perdant dés lors toute son utilité.

 A qui appartient le contenu du dossier médical ?

Les données contenues dans le dossier médical ont été recueillies généralement soit directement auprès du patient, soit à l'occasion des prestations de soins qui lui ont été délivrées au sein de l'établissement de soins ou par un médecin de ville. La loi du 1er juillet 1998 accorde la propriété du contenu d'une base de données au "producteur" de cette base. Autrement dit à la personne qui a pris l'initiative et le risque des investissements matériels, financiers ou humains correspondant à la présentation, à la vérification ou à la constitution de la base de données. Le producteur dispose alors du droit d'interdire l'extraction d'une partie qualitativement ou quantitativement substantielle des données de la base de données, sans pouvoir s'opposer à une extraction non substantielle, ou à des fins privées.

Mais la question reste entière. En effet, qui peut être considéré comme prenant l'initiative et les risques d'investissements ? L'opérateur qui investit au titre de la mise en œuvre de la plate-forme de gestion des dossiers médicaux ? L'établissement de santé ou le praticien qui acquiert auprès d'un prestataire ou d'un éditeur un système de gestion des dossiers médicaux ? Les praticiens qui enrichissent le dossier médical ? Après la réforme, le patient qui versera un prix à un opérateur intermédiaire au titre de la prestation de gestion sécurisée de son dossier médical ? La réponse est délicate. La jurisprudence ne permet pas aujourd'hui de définir précisément la notion de "producteur" et de propriétaire des dossiers.

 La jurisprudence ne tranche pas

En effet, si au regard des règles relatives aux archives hospitalières, ce sont les établissements de soins, privés et publics qui ont la "garde", et donc le contrôle et la direction de la tenue des dossiers médicaux, et non les praticiens qui exercent au sein de ces établissements, la question n'est pas tranchée. Tout au plus, sait-on que les médecins qui cessent d'exercer au sein d'un établissement ne peuvent emmener les dossiers médicaux qui concernent des patients qu'ils ont suivi. De même, s'agissant des dossiers médicaux tenus dans le cadre d'un cabinet médical de ville, l'Ordre national des médecins recommande dans le cadre d'une société civile professionnelle ou d'exercice libéral, la conclusion "d'un contrat prévoyant les modalités de répartition des dossiers médicaux entre les parties". L'Ordre indique que la fiche d'observation appartient au médecin (article 45), tandis que "le dossier médical de suivi est la propriété du patient". Précisons toutefois que les commentaires du code de déontologie médicale n'ont pas de force juridique contraignante, sans que mis en cause la qualité, la fonction et la valeur d'interprétation des textes.

 Des attributs de la personnalité

Les données nominatives médicales et administratives du patient touchent à son identité, à son état de santé. Elles constituent des données brutes qui ne sont pas, en tant que telles, susceptibles de protection juridique et partant d'appropriation. Prises isolément certaines données constituent des attributs de la personnalité des personnes auxquelles elles se rapportent, tel que le nom patronymique. A ce titre, leur utilisation par un tiers n'est pas possible si celle-ci présente un risque de confusion dans l'esprit du public. Sans aller jusqu'à la qualification de droits de propriété au sens juridique du terme, on peut considérer que c'est le patient qui dispose des droits les plus étendus sur les données qui le concernent, et donc sur les données du dossier médical.

En effet, la propriété des données ne présente un intérêt que si les données sont "disponibles", et donc exploitables. Or, même en faisant abstraction du référentiel légal relatif à la protection juridique des bases de données, la loi informatique et libertés du 6 janvier 1978 offre exclusivement aux patients, en tant que personne physique, la libre disposition des données nominatives (médicales ou autres) qui les concernent. En effet, ces derniers disposent d'un droit d'accès, d'opposition, de modification et de suppression des données qui les concernent, qu'ils peuvent exercer à tout moment, à moins d'un consentement donné antérieurement au titre de leur collecte et leur traitement. Donc seuls les patients disposent des droits d'administration sur les données qui les concernent, et donc de leur libre disposition.

 Ce qu'en pense la CNIL

La CNIL a d'ailleurs rendu début mars une délibération portant adoption d'une recommandation sur les sites de santé destinés au public. Elle précise les conditions dans lesquelles les traitements de données médicales nominatives, et plus particulièrement les dossiers médicaux pourraient être effectués. Selon la CNIL "les données de santé revêtant un caractère directement ou indirectement nominatif, qu'elles aient été communiquées au site par l'internaute et/ou par un professionnel de santé, ne devraient pas pouvoir être exploitées à des fins commerciales ni transmises à quiconque à des fins commerciales ou de prospection commerciale. Le respect de ce principe devrait s'imposer (….) aux sociétés et organismes susceptibles de gérer et de conserver, pour le compte de professionnels de santé ou d'établissements de santé, des dossiers médicaux accessibles sur Internet".
Donc, aujourd'hui, avant que la réforme ne soit intervenue, seul le patient est "maître" de son dossier médical, puisque sans son consentement son dossier médical n'est pas susceptible d'être transmis à un autre professionnel de santé ou à un tiers.

 Un droit d'accès indirect

Cependant le droit de "regard" du patient sur son dossier médical n'est toujours pas direct puisqu'il a l'obligation de passer par l'intermédiaire d'un médecin désigné pour accéder aux informations qui le concerne. Certains établissements de soins ou praticiens refuse ainsi de le communiquer. En l'absence de libre disposition du contenu du dossier médical, la question de la propriété des données perd donc de son intérêt : les données du dossier médical ne sont pas disponibles, et même le patient qui en principe dispose des pouvoirs les plus étendus sur ces données, ne peut concrètement y accéder librement.

La réforme se fait donc de plus en plus urgente, afin de mettre en cohérence la demande sociale de maîtrise totale du capital santé avec l'état du droit. Dans le rapport d'activité du Conseil Supérieur des Systèmes d'Information de Santé, le docteur Michel Delcey de l'Association des Paralysés de France (APF) disait déjà en 1999 : "Je suis intimement persuadé que l'immobilisme dans ce domaine ne peut conduire à moyen terme qu'à la revendication puis à l'obtention des mêmes droits par les usagers, mais dans un contexte polémique et consumériste dont ni les usagers, ni les autres acteurs de la santé, ni le système de soins dans son ensemble, ne sortiront vainqueurs". Deux ans après le débat n'a pas tellement avancé.



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