Israël
Nisand
Chef
du service de gynécologie obstétrique
CHU de Strasbourg
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Maxppp
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Jurisprudence
Perruche : " c'est à la solidarité
nationale d'intervenir ".
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Propos
recueillis par Mathieu
Ozanam
8 mars
2002
2/2
Ne
craignez-vous pas que votre message soit perçu comme une
revendication corporatiste par le grand public ?
Cela
n'a pas été le cas. Le grand public ne comprenait
pas que l'on condamne des médecins. Tout le monde sait que
les échographistes ne sont pas responsables d'une trisomie
21, pas plus que les cancérologues ne sont responsables des
cancers de leurs patients. en revanche le débat aura au moins
eu le mérite de faire apparaître au grand jour la question
des conditions de vie des handicapés. Nous demandons que
soit mis en oeuvre une vraie politique du handicap en France. Une
personne handicapée dispose aujourd'hui de 564 € par
mois (environ 3700 Francs) pour vivre. Qui peut s'en satisfaire ?
Au
moment du débat sur l'allongement à 12 semaines de
l'IVG, vous aviez mis en garde sur la possibilité que l'on
assiste à des IVG de "convenance", craignez-vous
que l'on assiste aujourd'hui à des ITG de précaution ?
J'avais
dit à l'époque que l'allongement du délai qui
viendrait se croiser avec le délai de diagnostic prénatal
posait un problème qu'il fallait prendre en compte dans la
rédaction de la loi. J'avais proposé une autre modalité
d'allongement du délai qui avait un énorme intérêt,
puisqu'il ne laissait pas la moitié des femmes sur le bord
du chemin. Cela consistait à traiter toutes les femmes en
dépassement de délai légal des 10 semaines
par l'Interruption Médicale de Grossesse (IMG) et non de
l'IVG, ce qui aurait permis une prise en compte au cas par cas.
En changeant uniquement un chiffre dans la loi, ce qui était
la solution de facilité du point de vue de la rédaction,
le résultat n'est pas satisfaisant.
Pour ce qui concerne l'arrêt Perruche, nous sommes effectivement
confrontés à des parents qui commencent à nous
menacer. J'ai à l'esprit l'exemple du grand-père d'une
femme enceinte de 6 mois qui menace de nous poursuivre en justice
si nous ne procédons pas à un avortement au motif
qu'il manque des doigts au ftus.
Vous
avez déclaré vouloir faire le "grand ménage"
parmi les experts échographistes près les tribunaux
que vous appelez des "pyromanes"
Pour
rendre leur jugement, les juges s'appuient sur le rapport d'un expert.
Or ceux qui ont rendu leur rapport ne savent pas de quoi ils parlent.
Je demande en conséquence qu'ils ne puissent plus faire d'expertise
en échographie.
NB
:
Le débat
sur la jurisprudence Perruche a trouvé sa conclusion
le 19 février 2002 avec l'adoption de la loi sur le
droit des malades en répondant favorablement aux inquiétudes
des spécialistes de la naissance. Un chapitre stipule
en effet que " nul ne peut se prévaloir d'un préjudice
du seul fait de sa naissance ".
Il précise également que "lorsque la responsabilité
d'un professionnel ou d'un établissement de santé
est engagée vis-à-vis des parents d'un enfant
né avec un handicap non décelé pendant
la grossesse à la suite d'une faute caractérisée,
les parents peuvent demander une indemnité au titre
de leur seul préjudice. Ce préjudice ne saurait
inclure les charges particulières découlant,
tout au long de la vie de l'enfant de ce handicap. La compensation
de ce dernier relève de la solidarité nationale".
La loi prévoit en outre que le Conseil national consultatif
des personnes handicapées (CNCPH) sera chargé
"d'évaluer la situation matérielle, financière
et morale des personnes handicapées en France et des
personnes de nationalité française établies
hors de France prise en charge au titre de la solidarité
nationale".
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8
mars 2002
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