Dr
Max Bensadon
directeur
technique du CTIP
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"Le
chaînage des informations PMSI monte en puissance
cette année
et devrait être opérationnel
l’an prochain".
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Propos
recueillis par Denis
Carradot, Thierry Dispot et Hervé Nabarette
20
septembre 2001
Le
chaînage des séjours de patients est actuellement en voie de généralisation
dans tous les établissements hospitaliers. Il permet de suivre les
patients hospitalisés à partir des données PMSI. Quelle est l’utilisation
prévue par les tutelles ?
La
volonté de mettre en place le chaînage du PMSI provient du Ministère
et de la CNAMTS. Les objectifs sont divers. Le premier est l’analyse
des prises en charge que ce soit pour contribuer à en améliorer
la qualité (on pourra par exemple observer la trajectoire d’un
patient atteint d’infection nosocomiale ou identifier une infection
survenue après la sortie du patient à qui on aura posé une prothèse
de hanche), ou pour mettre en évidence un éventuel "saucissonnage"
des séjours (prises en charge partielles entraînant une multiplication
des séjours). Le second, tout aussi important, est d’obtenir une
base de données analysable au niveau patient, ce qui sera une avancée
majeure notamment du point de vue épidémiologique. Bien sûr, l’utilisation
et les conclusions tirées tiendront compte du caractère progressif
de la mise en place et des pertes d’information éventuellement constatées.
Quel
est l’historique de ce projet ?
Le
chaînage des Résumés de Sortie Anonymisés (RSA)
existait pour la base des établissements privés en 1997. A l’époque,
peu d’études avaient été réalisées, en raison du caractère incomplet
de ce chaînage qui laissait de côté le secteur public. La généralisation
en cours s’inspire de ce qui avait été fait. Certains éléments rendent
d’ailleurs cette généralisation plus facile, comme l’homogénéisation
du numéro de sécurité sociale, liée au projet de carte Vitale. Or
ce numéro est utilisé pour générer les identifiants patients. A
ce niveau, les disparités qui venaient de la diversité des régimes
(SNCF, militaires...) n’ont plus court, même si certaines caisses
sont en retard dans l’adoption du standard NIR à 13 caractères.
Concrètement,
comment l’identifiant patient permanent est-il créé ? Certaines
populations poseront-elles problème ?
Le
numéro d’anonymisation est créé à partir de variables identifiantes.
Un algorithme d’anonymisation transforme ces variables en un numéro
qui est anonyme, et propre à chaque patient. Ce numéro n’est pas
réversible, on dit que le hachage est asymétrique. Les variables
identifiantes de départ sont : le numéro de sécurité sociale,
la date de naissance, et le sexe. Avec la CMU la plupart des patients
non assurés ont aujourd’hui un numéro de sécurité sociale. Mais
il demeure des cas particuliers. Par exemple, des jumeaux de même
sexe et ayant le même ayant droit auront le même numéro anonyme.
Nous avons préféré perdre de l’information, en choisissant de ne
pas utiliser le rang gémellaire, qui n’est pas saisi de la même
façon dans les établissements et sur la carte Vitale, plutôt que
de risquer de rendre le numéro anonyme "instable". Pour
les patients qui veulent être hospitalisés de façon anonyme, il
n’y a pas saisie du numéro de sécurité sociale, et donc pas de possibilité
de chaînage des informations. A chaque fois qu’un séjour n’est pas
facturé, comme dans le cas des accidents du travail, il n’y a pas
non plus recueil du numéro de sécurité sociale. Les établissements
qui ont mis en place l’identifiant patient nous parlent d’une déperdition
d’information qui concerne environ 2% des patients. Lorsque le système
montera en puissance, nous devrons voir comment ce chiffre évolue.
Comment
les aspects réglementaires ont-ils été réglés (notamment CNIL
et identifiant patient, Service Central de Sécurité des Systèmes
d’Information et hachage asymétrique...) ?
La
CNIL avait accepté le chaînage en 1997 pour les établissements privés.
Mais elle s’était opposé au désir des tutelles de généraliser ce
système, car elle craignait la sortie du numéro de sécurité sociale
du strict circuit de facturation. Elle ne voulait pas que ce numéro
soit trop lié à des données médicales, il devait être conservé à
l’endroit où il est utilisé. Pour intégrer le numéro de sécurité
sociale dans le Résumé Standardisé de Sortie dans les établissements
publics, il aurait probablement fallu un décret en Conseil d’Etat.
Nous avons donc mis au point un système qui repose sur la stricte
dissociation du circuit administratif de facturation et du circuit
de l’information médicale. Dans le circuit médical, on ne demande
à aucun moment le numéro de sécurité sociale. D’autre part, seul
le numéro identifiant anonyme sort du circuit de facturation. Le
directeur de l’information médicale (DIM)
de l’établissement rapproche les fichiers médicaux RSS et le fichier
anonymisé fourni par le circuit de facturation, par le biais de
jointures multiples.
D’autres
mesures sont garantes de la confidentialité des données. Ainsi,
les identifiants de chaînage produits par les établissements sont
anonymisés une seconde fois. Un établissement qui détiendrait la
base nationale chaînée ne pourrait "suivre" "facilement"
un patient qui aurait séjourné chez lui, puisque le numéro qu’il
a créé ne se retrouve pas dans la base nationale.
Enfin,
les fichiers qui sortent des établissements sont envoyés sous forme
cryptée par disquette.
La
procédure est donc proche de celle qui avait été validée en 1997
par la CNIL et
le SCSSI, d’autant
que le module de hachage est le même que celui qui avait été utilisé
en 1997. La CNIL a donné son accord le 2 juillet 2000.
Quel
sera le champ concerné par le projet ? Le moyen séjour sera-t-il
concerné ? La ville ? Y-aura-t-il un lien avec le long
séjour ?
Le
projet est de couvrir, à terme, tout le secteur des établissements
de santé concerné par le PMSI. Le lien avec les établissements de
Soins de suites et de réadaptation sera donc possible, de même pour
la psychiatrie lorsque le PMSI y sera généralisé. En revanche, le
lien avec les établissements de soins de longue durée n’est pas
possible puisque le numéro de sécurité sociale n’y est pas recueilli.
D’autre part, comme le numéro est créé de façon identique à partir
d’éléments immuables, le suivi pourra se faire sur plusieurs années,
en fait tant que la carte Vitale 1 ne sera pas remplacée (il
est prévu que la carte Vitale 2 intègre le NIR de la personne plutôt
que le numéro de Sécurité sociale de l’ayant droit). La jonction
avec les données de ville ne devrait pas poser de problèmes techniques,
puisque la CNAMTS utilise par définition le NIR pour ses remboursements,
et que la fonction de hachage utilisée pour les établissements de
santé nous a été fourni par un de ses services.
La
base des RSA chaînés ne posera-t-elle pas de nouveaux problèmes
de confidentialité ? Elle donne plus d’information, elle autorise
donc les recoupements plus facilement...
Effectivement,
la base disposera d’une variable supplémentaire permettant d’identifier
plus facilement le patient par recoupement : on saura en plus
de l’âge, du sexe, de la durée de séjour, de l’établissement dans
lequel a été hospitalisé qu’il a été éventuellement pris en charge
dans plusieurs établissement (ou dans le même). Je rappelle
que par définition le numéro anonyme ne permet pas de revenir aux
variables ayant servi à le produire. Comme pour toute demande de
base exhaustive, les demandeurs devront justifier de leur utilisation
auprès de la CNIL... On ne connaît pas encore le degré de diffusion
qui sera autorisé pour cette base...
Quelles
sont les étapes de mise en place ? Des difficultés sont-elles
à prévoir ?
Pour
les établissements privés, la mise en place sera aisée, étant donnée
la qualité du circuit de facturation. De plus, les fichiers qui
arrivent au DIM contiennent la totalité des informations nécessaires
au chaînage, le numéro de sécurité sociale étant présent dans le
RSS. Pour 2001, aucune modification n’a été demandée. Par contre,
en 2002, il sera nécessaire de sortir le numéro de sécurité sociale
du RSS, pour adopter le même schéma que dans le public. Le fichier
de résumé de facturation devra intégrer le sexe, ce qu’il ne fait
pas aujourd’hui. Les sociétés de service y travaillent. L’étape
ultérieure consistera à intégrer directement le numéro anonyme dans
le fichier de facturation.
Dans
le public, sous budget global, les circuits de facturation sont
moins systématisés que dans le privé. Les filières administratives
sont diverses. Dans un premier temps, certains établissements auront
des difficultés à mettre en place la génération du numéro anonyme...
Au moins, la mise en relation des circuits administratifs et de
l’information médicale permettra d’objectiver certains problèmes
d’organisation...
Le
système monte en puissance cette année, et il devrait être exploitable
en 2002.
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20
septembre 2001
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