800
000 personnes concernées par la nouvelle allocation personnalisée
à l’autonomie (APA)
François
MORAND
3 avril
2001
En
2000, la création de la couverture maladie universelle (CMU) avait
marqué la première étape dans la réforme de la couverture sociale.
En s’attaquant au problème de la dépendance des personnes âgées,
le gouvernement met en route une deuxième grande réforme sociale.
La
création d’une nouvelle allocation destinée aux personnes âgées
a pour objectif de se substituer à partir du 1er janvier
2002 à l’actuelle prestation spécifique dépendance (PSD)
créée par une loi du 24 janvier 1997. Jugée inégale et insuffisante,
cette allocation ne concerne environ que 135 000 personnes, alors
que la nouvelle APA devrait s’adresser à près de 800 000 personnes
âgées dépendantes.
La
dépendance chez les personnes âgées
La
population des 60 ans et plus représente actuellement plus de 12
millions de personnes en France, soit un peu plus de 20% de la population
totale. Et cette population va prendre de plus en plus d’ampleur
dans les années à venir, puisqu’on estime qu’elle représentera 33%
de la population française en 2050. C’est une situation qui inévitablement
pose et posera le problème grandissant de la dépendance. Bien sûr,
il faut être prudent et différencier l’espérance de vie dans l’absolu
et l’espérance de vie en pleine santé, les gens vivant de plus en
plus vieux en bonne santé. L’augmentation du nombre de personnes
âgées n’entraîne ainsi pas forcément un accroissement mécanique
de la proportion de personnes susceptibles de devenir dépendantes.
Cependant,
la dépendance est une notion floue, ce qui implique des variations
importantes dans la détermination du nombre de personnes concernées
en fonction des grilles utilisées. Ainsi deux grilles principales
d’évaluation existent : celle développée par le docteur Colvez
et l’outil AGGIR (autonomie gérontologique groupe iso-ressource ;
lire aussi notre article : La grille
Aggir, un outil pour objectiver la dépendance) qui sert notamment
à l’attribution de la PSD. Le nombre de personnes dépendantes varie
ainsi entre 1,2 et 1,4 millions selon la grille, avec bien évidemment
des degrés de dépendance variables allant de l’aide ponctuelle pour
sortir de chez soi (niveau 3 de la grille Colvez et groupe 4 et
5 de la grille AGGIR), au besoin d’aide pour la toilette et l’habillage
(niveau 2 de la grille Colvez et groupe 2 et 3 de la grille AGGIR),
jusqu’au confinage au lit ou au fauteuil (niveau 1 de la grille
Colvez et groupe 1 et 2 de la grille AGGIR). Les personnes souffrant
de dépendance lourde se retrouvent en grande partie comptabilisées
dans les deux grilles, et elles peuvent ainsi être estimées entre
650 000 et 800 000 (niveau 1et 2 de la grille Colvez et groupe
1 à 4 de la grille AGGIR).
Le
mécanisme de l’allocation personnalisée à l’autonomie
Cette
nouvelle allocation a un double objectif : augmenter l’accès
à une aide pour les personnes en perte d’autonomie, et favoriser
leur maintien à domicile en homogénéisant les aides sur l'ensemble
du territoire. Elle sera fondamentalement différente de la PSD existante :
La PSD est :
Inégalitaire :
fixée au niveau départemental
Insuffisante :
aide limitée
Incomplète :
peu de personnes concernées
|
L’APA sera :
Egalitaire :
fixée au niveau national
Plus
généreuse : aide supérieure, mieux calculée
Plus
vaste : 6 fois plus de personnes concernées
|
En
effet, l’APA sera d’un montant homogène sur l’ensemble de la France,
avec une prise en compte plus souple du degré de dépendance (toujours
calculé avec la grille AGGIR). Elle sera également modulée en fonction
des ressources des bénéficiaires, avec une augmentation du plafond
de ressource par rapport à la PSD. Cela permettra à des personnes
partiellement dépendantes de bénéficier désormais d’une aide financière,
puisque l’APA devrait s’adresser à terme à près de 800 000 personnes
âgées contre environ 135 000 actuellement avec la PSD.
De
plus, un plan d’aide individualisé sera mis en place et élaboré
par une équipe médico-sociale dont le médecin généraliste sera le
pilier. Ce plan doit ainsi permettre le maintien à domicile de la
personne dépendante. Les personnes vivant en établissement spécialisé
bénéficieront également de cette allocation, mais le mode de calcul
est tel qu’une personne âgée en établissement touchera en moyenne
près de deux fois moins qu’une personne maintenue à domicile.
Ainsi,
le niveau de l'allocation pour une personne dépendante à domicile
pourrait varier, en fonction de son degré de dépendance et de ses
revenus, entre 600 et 7 000 francs par mois. A titre d’exemple,
une personne totalement dépendante et qui aurait moins de 6 000
francs par mois de ressources individuelles, aura droit à une allocation
mensuelle de 7 000 francs. Cela peut contribuer à lui permettre
de rester chez elle et de recevoir différentes aides à domicile
(par exemple une assistance ponctuelle à domicile, une prise en
charge ponctuelle en établissement de jour, des travaux d’aménagements
du domicile ….).
Cette
allocation sera distribuée par l’intermédiaire des conseils généraux,
les départements contribuant d’ailleurs le plus au financement de
cette nouvelle réforme sociale. Pour assurer le financement de ce
dispositif sans recourir à de nouvelles cotisations, le gouvernement
va créer un fonds bénéficiant du produit de 0,1 point de contribution
sociale généralisée (CSG), soit 5 milliards de francs, plus 500
millions de francs de contribution des caisses de Sécurité sociale.
Cette manne servira à compléter les sommes déjà consacrées par les
départements aux personnes âgées dépendantes, qui représentent actuellement
11 milliards de francs.
Ainsi,
il est estimé que la mise en place de l'APA pourrait coûter de 15
à 17 milliards de francs par an pour les années 2002 et 2003, ce
qui représente un effort financier très important, pour finalement
atteindre près de 23 milliards de francs à moyen terme.
Etats
des lieux dans le reste de l’Europe
La
France n’est bien évidemment pas un cas isolé en Europe. En effet,
le nombre de personnes âgées de 65 ans et plus dans les pays de
l’Union Européenne devrait atteindre 70 millions en 2010 selon les
dernières estimations, ce qui représentera près de 18% de la population
totale. Bien sûr, il y a des différences entre les pays, la Suède
étant par exemple la nation ayant la population la plus âgée, et
l’Irlande la population la plus jeune.
Le
problème de la dépendance va donc devenir un enjeu de plus en plus
crucial, mais les pays l’abordent avec des philosophies différentes.
Ainsi, trois grands groupes de pays se distinguent du point de vue
de leurs systèmes institutionnels :
- Les pays
scandinaves et britanniques ont mis en place un système où la
dépendance est essentiellement prise en charge par la collectivité
à travers des services de proximité.
- Les pays
d’origine germanique (Allemagne, Autriche, Luxembourg) abordent
le problème de la dépendance comme un nouveau risque, c’est-à-dire
avec la création d’un système d’assurance spécifique « dépendance »
qui ne garantit une couverture, qui plus est incomplète, qu’aux
personnes souffrant de dépendance lourde.
- Enfin, les
pays d’Europe du sud (dont la France) se basent sur un système
d’aide sociale avec des prestations versées au titre du handicap
ou de la vieillesse.
Au
delà de ces divergences, il apparaît globalement que la nécessité
d’une offre de services personnalisée aux personnes âgées dépendantes
est de plus en plus grande, et que le niveau des prestations dépendance
devrait augmenter dans les années à venir.
Même
si cette nouvelle allocation a une vraie vocation sociale, il est
évident que son coût relativement élevé et son système de financement
font couler beaucoup d’encre (lire à ce sujet l’opinion de Luc Broussy,
délégué général de l'Uneppa, sur le site vivre100ans).
Contrairement à la PSD, le financement de l’APA demande donc la
création d’un « fond national de financement de la prestation
autonomie » pour compléter les sommes apportées par les départements.
Et c’est ce fond, bénéficiant dans un premier temps de 5,5 milliards
de francs, qui devra être alimenté par l’Etat lorsque de nouvelles
ressources seront nécessaires pour assurer la pérennité de cette
allocation. Car le vieillissement de la population dans les années
à venir pourrait engendrer des coûts supérieurs de plus en plus
difficiles à assumer pour l’Etat.
C’est
un vaste choix de politique de société qui se présente, sans compter
le problème aigu du financement des retraites qui va immanquablement
se poser dans les prochaines années.
Le
texte du projet de loi, adopté par le conseil des ministres le 7
mars dernier, devrait être examiné en première lecture par l'Assemblée
Nationale autour de la mi-avril.
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